Le licenciement pour insuffisance professionnelle
Dernière mise à jour le 19/09/2024
Le licenciement pour insuffisance professionnelle se présente comme une des voies possibles pour la rupture du contrat de travail, une option accordée à l’employeur.
En termes concrets, l’insuffisance professionnelle fait référence à l’inaptitude du salarié à accomplir efficacement les fonctions ou les tâches qui lui sont assignées par l’employeur, indépendamment de sa capacité physique à travailler.
En quoi consiste le licenciement pour insuffisance professionnelle ?
Comme mentionné précédemment, l’insuffisance professionnelle est définie par l’incapacité d’un salarié à accomplir ses tâches de travail dans les conditions que l’employeur est en droit d’attendre en vertu du contrat de travail.
Son cadre a été établi par la jurisprudence. Cependant, elle ne constitue pas un motif disciplinaire de licenciement, sauf si une faute est invoquée par l’employeur.
Par conséquent, le salarié a droit au respect du préavis et aux indemnités de licenciement.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle doit être basé sur des éléments objectifs. Bien que l’évaluation de l’insuffisance professionnelle relève en principe de l’employeur, elle doit être fondée sur des griefs précis et vérifiables, que le juge contrôle.
Comment est évaluée l’insuffisance professionnelle dans le cadre d’un licenciement ?
L’évaluation de l’insuffisance professionnelle est du ressort de l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. En pratique, pour contrôler l’objectivité du motif, le juge prend en compte l’absence ou l’existence de reproches formulés au salarié, sa carrière (promotions, rétrogradations), sa qualification professionnelle, l’évolution de son emploi et des tâches qui y sont liées, son ancienneté…
L’insuffisance professionnelle “constitue un motif matériellement vérifiable qui peut être précisé et discuté devant les juges du fond” (Soc. 23 mai 2000).
Cette formule indique en réalité que la simple mention de l’insuffisance professionnelle ne suffit pas à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l’employeur pouvant étayer et discuter du motif lors de l’instance.
De plus, l’employeur qui licencie un salarié pour insuffisance professionnelle doit avoir respecté son obligation d’adapter le salarié à l’évolution de son poste de travail (Article L6321-1 du Code du travail ).
Le contrôle du motif de licenciement oblige le juge à contrôler non seulement l’objectivité et la réalité du motif d’insuffisance professionnelle, mais aussi la cohérence de la démarche de l’employeur.
Quelles sont les conditions apportées par la jurisprudence sur le licenciement pour insuffisance professionnelle ?
Plusieurs décisions de la Cour de cassation sont venues encadrer le régime du licenciement pour insuffisance professionnelle.
Le contrôle du caractère objectif de l’insuffisance professionnelle est essentiel.
L’employeur doit évaluer les compétences du salarié et sa capacité à accomplir son travail. Il doit donc démontrer que les motifs de sa décision reposent sur des faits précis et vérifiables.
L’employeur, en tant que juge des compétences du salarié, ne peut pas licencier un salarié :
- Dont il connaissait les limites des compétences et qu’il n’avait aucune raison sérieuse de licencier (Soc. 10 oct. 1984).
- Qui a commis quelques erreurs après l’adoption de nouveaux logiciels (Soc. 21 oct. 1998),
- Un salarié qui a commis des erreurs mais qui était occupé à des tâches ne correspondant pas à sa qualification et étrangères à l’activité pour laquelle il avait été embauché (Soc. 2 févr. 1999).
Quelles situations ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle ?
L’insuffisance professionnelle se réfère à une situation spécifique de défaillance professionnelle.
Par conséquent, un employeur ne peut pas invoquer le licenciement pour insuffisance professionnelle dans les cas suivants :
- Si l’insuffisance n’est pas imputable au salarié, mais à d’autres salariés de l’entreprise ou à l’employeur lui-même ;
- Comme mentionné précédemment, si l’employeur ne respecte pas son obligation de formation professionnelle (Article L6321-1 du Code du travail) ou s’il a recruté un salarié qui n’a pas les qualifications requises pour le poste ;
- Si la charge de travail est trop élevée pour une seule personne ;
- Si l’environnement de travail ne permet pas au salarié de remplir sa mission, en raison d’un problème de désorganisation du service ou d’un manque de ressources ;
- En cas de licenciement pour inaptitude physique ;
- Si l’insuffisance est temporaire ;
- Ou s’il s’agit d’une faute disciplinaire (et non d’une insuffisance professionnelle), auquel cas un licenciement pour faute serait nécessaire.
Comment distinguer l’insuffisance professionnelle de l’insuffisance de résultats ?
Généralement, on parle d’insuffisance professionnelle en référence à la qualité du travail tandis que l’insuffisance de résultats est évaluée quantitativement.
Concrètement, l’insuffisance de résultats est invocable lorsque le salarié n’atteint pas ses objectifs.
La Cour de cassation estime que la simple insuffisance de résultats ne constitue pas en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc. 14 nov. 2000, no 98-42.371 P).
Ainsi, un licenciement pour cause réelle et sérieuse n’est justifié que si l’employeur peut prouver que l’insuffisance de résultats est due au comportement du salarié, à une faute ou à une défaillance de sa part.
Comment se déroule la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ?
Un employeur ne peut pas licencier un employé pour insuffisance professionnelle sans lui avoir donné un avertissement au préalable. Cela donne à l’employé l’opportunité de rectifier ses erreurs. Si l’employeur ne remarque aucune amélioration, il peut alors envisager un licenciement. Cependant, il doit suivre la procédure de licenciement pour motif personnel.
L’invitation à un entretien préalable au licenciement
Dans le cas d’un licenciement pour motif personnel, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable.
Le contenu de la convocation à l’entretien préalable varie en fonction de la présence ou non de représentants du personnel dans l’entreprise.
Dans l’hypothèse où l’entreprise n’ aurait pas de représentants du personnel et même si elle en a, cette convocation, envoyée par lettre recommandée ou remise en main propre, doit préciser :
- L’objet de l’entretien, la date, l’heure et le lieu où se déroulera l’entretien ;
- Elle doit également informer le salarié de son droit à être assisté lors de l’entretien par un autre salarié de l’entreprise ou par un conseiller du salarié externe, ou un représentant du personnel le cas échéant.
Le déroulement de l’entretien préalable au licenciement
Lors de l’entretien préalable, l’employeur (ou son représentant) rencontre le salarié et toute personne qui pourrait l’assister.
L’employeur présente les raisons de la décision envisagée et écoute les explications du salarié.
A noter : Le salarié n’est pas obligé d’assister à cet entretien, et son absence ne peut pas être utilisée contre lui. En cas d’absence du salarié, l’employeur peut néanmoins poursuivre la procédure de licenciement.
La notification du licenciement
L’employeur a la possibilité de notifier le licenciement au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (AR), et ce, au moins 2 jours ouvrables après la date de l’entretien préalable.
La courrier de licenciement pour insuffisance professionnelle doit clairement énoncer les raisons du licenciement, y compris les tâches spécifiques liées à la qualification de l’employé que ce dernier n’a pas réussi à accomplir.
Suite à la notification du licenciement, l’employeur ou le salarié peut choisir de préciser le motif du licenciement dans les 15 jours.
Le salarié doit formuler sa demande par lettre recommandée avec accusé de réception (AR) ou par remise contre récépissé.
Si le salarié fait une telle demande, l’employeur a alors 15 jours après la réception de cette demande pour fournir des précisions, s’il le souhaite. Ces précisions sont communiquées au salarié par lettre recommandée avec AR ou remise contre récépissé.
La période de préavis de licenciement
Quand un employé est licencié pour insuffisance professionnelle, il est tenu d’effectuer une période de préavis avant la fin de son contrat de travail. La durée de ce préavis peut être déterminée :
- Par la convention collective en vigueur dans l’entreprise ;
- Par le contrat de travail de l’employé ;
- Ou, en l’absence de ces deux éléments, elle est fixée par la loi.
C’est une étape importante qui permet à l’employé de se préparer à la fin de son contrat et de chercher de nouvelles opportunités d’emploi. De plus, cela garantit que les droits de l’employé sont respectés et que l’employeur agit en conformité avec la loi.
La dispense de préavis peut être totale ou partielle, et peut être demandée par l’employé ou imposée par l’employeur, même si le préavis a déjà commencé.
La fin du contrat de travail
Le contrat de travail se termine à la fin du préavis de licenciement.
Si l’employé est totalement dispensé de préavis, le contrat se termine à la date de notification du licenciement.
En revanche, si l’employé est partiellement dispensé de préavis, le contrat se termine à la date spécifiée (fin du préavis effectué).
Une fois le contrat de travail terminé, l’employeur doit fournir à l’employé les documents de fin de contrat :
- Attestation France travail ;
- Certificat de travail ;
- Reçu pour solde de tout compte ;
- Récapitulatif de l’épargne salariale.
À noter : l’employeur n’est pas tenu de remettre directement ces documents à l’employé, il doit simplement les mettre à sa disposition. L’employé doit alors venir les récupérer. Toutefois, l’employeur peut choisir de les envoyer à l’employé.
Quelles sont les indemnités dues en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle ?
L’employé aura droit aux indemnités de licenciement, qu’elles soient légales ou conventionnelles.
Cependant, pour bénéficier des indemnités de licenciement, il faut que le motif d’insuffisance professionnelle ne soit pas explicitement exclu par la convention collective.
L’employeur est également obligé de payer à l’employé diverses sommes liées à la fin du contrat de travail. Cela comprend :
- L’indemnité compensatrice de préavis, si l’employeur a exempté l’employé de son préavis ;
- L’indemnité compensatrice de congés payés, si l’employé a des jours de congés non utilisés au moment de son départ de l’entreprise ;
- L’indemnité de non-concurrence, si l’employé est soumis à une telle clause dans son contrat de travail.
Quels sont les moyens de défense face à un licenciement pour insuffisance professionnelle ?
La contestation du licenciement pour insuffisance professionnelle peut se faire avant ou après la notification du licenciement.
Avant la notification du licenciement
Pour contester un licenciement pour insuffisance professionnelle, vous pouvez adopter deux approches principales :
Vous pouvez contester un licenciement pour insuffisance professionnelle de deux façons. Premièrement, prouver que l’insuffisance n’existe pas, due à un manque de formation, mauvaise gestion ou inaptitude médicale. Deuxièmement, en remettant en question la validité des preuves de votre employeur. Si les preuves sont insuffisantes ou incorrectes, le licenciement peut ne pas être justifié.
Après la notification du licenciement
Si votre employeur choisit malgré tout de vous licencier pour insuffisance professionnelle, sachez que tout salarié a le droit de contester son licenciement dans un délai de 12 mois à partir de sa notification.
Vous devrez alors saisir le conseil de prud’hommes et vous pourrez contester :
- La procédure de licenciement ;
- Les motifs du licenciement ;
- Les indemnités versées lors du licenciement.
Si la procédure est irrégulière mais le licenciement justifié, l’employeur verse une indemnité ne dépassant pas un mois de salaire.
FAQ
Quelle est la responsabilité de l'employeur dans l'insuffisance professionnelle ?
La responsabilité de l'employeur est systématiquement vérifiée dans le cadre d'un licenciement pour insuffisance professionnelle. En effet, ce dernier doit veiller à adapter le poste au salarié, mais également lui proposer les formations nécessaires. De plus, il ne doit pas avoir embauché un salarié aux qualifications insuffisantes.
Quelles sont les conditions de validité du licenciement pour insuffisance professionnelle ?
Pour que le licenciement soit valable, l'employeur doit respecter les règles de conditions de travail du salarié. Par ailleurs, les tâches demandées doivent correspondre à ce pourquoi il a été engagé. Enfin, l'employeur doit impérativement adapter les conditions de travail du salarié aux évolutions du poste.
Comment caractériser l'insuffisance professionnelle ?
Pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, l'employeur doit se baser sur des faits objectifs, vérifiables, précis et imputables au salarié.
Dernière mise à jour le 19/09/2024
Bonjour,
Je vous remercie pour toutes ces explications, c’est claire et compréhensible
Merci pour ce retour positif !
L’équipe LegalPlace