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S’il existe en Bretagne un village d’irréductibles, le reste de la France transpire à grosses gouttes et cette semaine tout le monde a envisagé au moins une fois de délocaliser son entreprise à Paimpol dans les Côtes-d’Armor. Alors que la France pourrait atteindre un record de chaleur (45°C attendus à Nîmes), et que les ventes de ventilateurs surfent sur la vague de chaleur, de nombreuses questions se posent sur les conditions de travail pendant cette période de canicule.

Lorsque les températures deviennent extrêmes, travailler présente un véritable inconfort mais peut également menacer la santé des salariés notamment des plus vulnérables. Si les épisodes de canicule ne dispensent pas de travailler tant que les circonstances ne présentent pas un certain danger, la loi liste un certain nombre d’obligations qui incombent à l’employeur pendant la période estivale.

Le fait de devoir travailler pendant la canicule amène alors à se renseigner sur ce que dit la loi à propos des conditions de travail et plus spécifiquement sur :

  • L’existence d’une température maximale au-delà de laquelle on ne travaille pas et l’exercice de son droit de retrait en cas de danger.
  • Les devoirs d’aménagement et d’organisation du travail selon le type d’activité exercée dans les bureaux ou en extérieur.
  • Le rôle des organisations de santé au travail.
  • Les conseils prodigués par les autorités de santé dès qu’un symptôme se présente ou dans une optique de prévention.
  • Les personnes les plus vulnérables et les postes présentant un danger accru durant les fortes chaleurs.

 

Définition de la canicule

La canicule n’est pas strictement définie par le franchissement d’un seuil de température à l’échelle nationale. Les spécialistes estiment que la canicule est établie dès lors que “les températures observées sont élevées jour et nuit pendant au moins trois jours d’affilée.” La température est considérée comme élevée en fonction des normales de saison régulièrement enregistrées région par région.

Quelle température maximale légale pour travailler ?

Bien qu’il n’existe pas à proprement parler de dispositions établissant une température minimale ou maximale pour travailler, l’Institut National de Recherche et de Sécurité estime que la température au-delà de laquelle il existe un danger et un risque d’accidents du travail potentiellement mortels est de 33°C. Le Code du travail prévoit quant à lui plusieurs aménagements que l’employeur doit mettre en place lors des fortes chaleurs. La réglementation en vigueur prévoit notamment une adaptation des activités extérieurs et des conditions de travail dans les bureaux. 

 

Travailler pendant la canicule : que dit la loi

 

Les personnes vulnérables

Certaines personnes en raison de leur situation personnelle ou de leur poste sont particulièrement fragilisées par la chaleur, ce sont des circonstances dont l’employeur doit tenir compte.  

Les salariés âgés, qui souffrent de pathologies aggravantes ou qui prennent certains types de médicaments doivent faire l’objet d’une plus grande attention. Par ailleurs, les femmes enceintes sont beaucoup plus vulnérables que les autres salariés, les fortes expositions à la chaleur notamment en début de grossesse peuvent causer des malformations, des anomalies neurologiques ou cardiaques ou encore des fausses couches. C’est pourquoi des précautions plus importantes doivent être mises en place pour elles.

 

L’exercice du droit de retrait

Lors de fortes chaleurs, il est possible que le droit de retrait soit exercé par un salarié en danger. Les conditions sont d’ailleurs appréciées de manière relativement large bien que l’abus puisse être sanctionné.

Le droit de retrait a une place importante dans le Code du travail, on le retrouve aux articles L.4131-1 à L.4131-4. Il est notamment dit que le travailleur peut se retirer “de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.” Aussi, c’est au salarié et non à l’employeur d’apprécier subjectivement si la situation de travail imposée constitue une menace. Le salarié ne doit pas faire la preuve d’un danger mais doit ressentir une menace en raison des températures excessives.

En cas d’exercice du droit de retrait, l’employeur ne peut en aucun cas prévoir de sanctions (licenciement, mise à pied, avertissement…) ou de retenue de salaire à l’encontre du salarié à moins de prouver que le motif de retrait n’était pas raisonnable. En outre, l’exercice de ce droit ne peut pas être considéré comme un abandon de poste. Il faut savoir que le motif n’a pas à être réel et sérieux, l’apparence du danger et la bonne foi du salarié suffiront. Toutefois, il ne doit pas simplement s’agir d’un inconfort. L’imminence du danger signifie qu’il est susceptible de se concrétiser dans de brefs délais. 

 

À retenir : La loi n’a établi aucune température maximale au delà de laquelle il serait interdit de travailler. En revanche, certaines situations légitiment une cessation du travail.

 

Quelles sont les obligations de l’employeur pendant la période de forte chaleur ?

Le Code du travail comprend de nombreuses dispositions applicables aux situations de forte chaleur. Depuis 2003, les Ministères des Solidarités et de la Santé, de l’Intérieur et du Travail ont établi un Plan National Canicule (PNC) régulièrement mis à jour et adapté pour protéger la population et notamment les personnes les plus à risques lors des épisodes de chaleur. En 2013, une circulaire a adapté plus spécifiquement le PNC à la situation des travailleurs.

Les aménagements en fonction du niveau d’alerte

En fonction de la température enregistrée, différents niveaux d’alerte ont été établis afin de mieux organiser le travail.

Les niveaux d’alerte mis en place par le PNC sont au nombre de quatre :

  • Niveau 1 (veille saisonnière) : Le PNC de 2018 a étendu la veille saisonnière du 1er juin au 15 septembre. Les mesures durant cette période sont indépendantes de la température enregistrée.
  • Niveau 2 (avertissement chaleur) : On observe un pic de chaleur pendant un ou deux jours maximum.
  • Niveau 3 (canicule) : Météo France a enregistré un épisode de canicule sur toute ou partie du territoire.
  • Niveau 4 (canicule exceptionnelle) : Il s’agit d’une canicule intense et durable qui entraîne de graves effets sur le territoire notamment de la sécheresse, des complications d’approvisionnement en eau potable, des incendies voire même une saturation des hôpitaux. Ce niveau n’a jamais été déclenché.

 

NIVEAU D’ALERTE OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR TEXTES APPLICABLES 
NIVEAU  1 : Veille saisonnière (vigilance verte) 

 

Applicable du 1er juin au 15 septembre quelles que soient les températures enregistrées

·        S’assurer de la santé et de la sécurité en tenant compte des conditions climatiques

·        Mettre à disposition de l’eau fraîche et potable

·        Dans les locaux fermés : s’assurer que l’air soit renouvelé 

·        Si possible, aménager les horaires et les postes de travail

·        Informer des travailleurs des gestes préventifs (documents, affiches, sites internet)

·        L.4121-1 du Code du travail

·        R.4225-2 du code du travail

·        R.4222-1 du Code du travail

NIVEAU 2 : Avertissement chaleur (vigilance jaune)

 

NIVEAU 3 : Canicule Météo France (vigilance orange)

 

NIVEAU 4 : Canicule exceptionnelle (vigilance rouge)

·        Mise en place d’une permanence des Services de santé du travail destiné à traiter les demandes des employeurs et des salariés

·        Information accrue des salariés notamment sur le passage aux niveaux 2, 3, 4

·        Circulaire 2013 (PNC)

 

Les adaptations en fonction du type d’activité exercée

Certaines activités s’avèrent plus risquées que d’autres en période d’intense chaleur. Ce sont principalement les activités physiques et le travail en extérieur. Plus spécifiquement, les personnes travaillant dans les boulangeries, les fonderies, les pressings, le milieu de la restauration ou encore de l’automobile sont souvent sujettes aux risques liés à la chaleur.

Aussi, des dispositions légales adaptées en fonction des activités sont prévues pour veiller sur leur sécurité :

  • Travail en extérieur : il est obligatoire de mettre à disposition des zones d’ombre, des abris et des locaux climatisés (article R.4225-1 du Code du travail)
  • Chantiers BTP : l’employeur doit être en mesure de fournir à chaque salarié au moins 3 litres d’eau potable fraîche et un local ou à défaut une protection équivalente (articles R.4534-143 et R.4534-142-1 du Code du travail)

Aménager le travail des salariés va tant dans l’intérêt du salarié que de l’employeur dans la mesure où il évite les inconforts, les accidents du travail, les cas d’arrêts maladie et augmente les performances des salariés.

 

Le rôle des services de santé du travail

 

Les services de santé au travail (SST)

De manière générale, selon l’article L.4522-2 du Code du travail, les SST ont pour objectif d’éviter toute altération de la santé des travailleurs. Ils communiquent principalement avec les employeurs et les représentants du personnel. En période estivale et notamment lors d’épisodes de chaleur intense les SST ont la responsabilité de certaines missions :

  • Évaluer les risques durant l’élaboration de la fiche entreprise et de manière régulière dans les entreprises ;
  • Mettre en place des mesures de prévention en collaboration avec les employeurs et les CSE ;
  • Informer plus particulièrement les travailleurs à risque.

 

Le médecin du travail

Le médecin du travail dispose également d’un rôle particulier lors des épisodes caniculaires, selon les articles L.4624-3 à L.4624-6 du Code du travail, il doit notamment :

  • Conseiller les employeurs sur des mesures pouvant améliorer les conditions de travail.
  • Échanger avec les salariés de façon individuelle et soumettre des recommandations par écrit pour aménager, informer voire transformer le poste de travail ou le temps de travail.

 

Que faire si l’employeur ne fait rien en cas de forte chaleur ?

Certains salariés s’inquiètent souvent lorsque l’employeur n’aménage pas l’organisation du travail dans l’entreprise lors de la canicule. Si cette situation devient préoccupante, ils peuvent contacter leur CHSCT s’il l’entreprise en dispose, à défaut le représentant du personnel. Par ailleurs, l’inspecteur du travail peut être amené, dans le cadre des vérifications des mesures de sécurité, à s’assurer que les salariés ne sont pas mis en danger.

 

Travail et canicule : recommandations des Ministères de la santé et du travail

 

Recommandations individuelles

De manière générale, plusieurs recommandations ont été émises par les autorités de santé afin de prévenir les risques durant les canicules.

Certaines conduites sont conseillées :

  • Veiller sur soi et ses collègues
  • Limiter au maximum les efforts physiques
  • En extérieur, protéger sa peau, sa tête et ses yeux du soleil
  • Prévenir un collègue et l’employeur dès qu’un symptôme alarmant apparaît et en cas d’urgence, appeler le 15
  • Boire beaucoup d’eau
  • S’habiller avec des vêtements légers comme le coton mais éviter les textiles en synthétique
  • Limiter au maximum les contacts avec le métal

 

Que faire en cas de symptômes liés à la chaleur ?

Les recommandations de santé publique peuvent parfois sembler excessives. En réalité, en raison du taux de mortalité et d’accidents du travail liés à la chaleur, il s’avère nécessaire non seulement de s’en informer mais aussi de les diffuser . En effet, selon les études de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), la chaleur peut entraîner des œdèmes (favorisés par les troubles vasculaires et la vieillesse), des crampes (spasmes musculaires et douleurs), des syncopes, un syndrome de l’épuisement et de déshydratation voire un coup de chaleur. Ces réactions ne sont pas à prendre à la légère et nécessitent une prise en charge immédiate par un médecin. À titre d’exemple, le coup de chaleur provoque de sévères troubles neurologiques, une confusion mentale et peut même entraîner un coma. On estime que dans 15 à 25% de cas, le coup de chaleur engage le pronostic vital.

Maux de tête, fatigue inhabituelle, faiblesse, vertiges, désorientation, somnolence et perte de conscience sont les signes qui doivent vous alarmer en période de canicule. Dès lors, une réaction immédiate et efficace de la part du salarié concerné et de ses collègues peut éviter les traumatismes et les séquelles après l’apparition de tels symptômes.

En raison de la gravité de certaines situations, lorsque vous vous trouvez face à une personne présentant de tels signes, il est nécessaire de :

  • Cesser immédiatement toute activité
  • Rafraîchir la personne en danger : la mettre si possible à l’ombre et lui présenter de l’eau
  • Alerter l’employeur et si la situation ne s’améliore pas rapidement, contacter le 15
  • Si la personne a perdu connaissance, la mettre en position latérale de sécurité. 

 

À noter : Pour toute information relative à l’organisation du travail et à la prévention des risques lors d’épisodes de fortes chaleurs, un numéro d’information a été mis en place : 0 800 06 66 66.

 

Voir aussi :

Samuel est co-fondateur de LegalPlace et responsable du contenu éditorial. L’ambition est de rendre accessible le savoir-faire juridique au plus grand nombre grâce à un contenu simple et de qualité. Samuel est diplômé de Supelec et de HEC Paris

Dernière mise à jour le 10/01/2020

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