Peut-on créer une société en étant marié ?
Dernière mise à jour le 10/09/2024
Créer une société en étant marié est un défi qui allie deux des plus grands projets de la vie : le mariage et l’entrepreneuriat. Ces deux engagements, bien que distincts, peuvent coexister harmonieusement tant que dure le mariage. Cependant, en cas de divorce, l’avenir de la société peut devenir incertain, surtout si l’époux(se) qui l’a fondé n’était pas pleinement conscient de ses droits.
Ainsi, si vous envisagez de créer une société en étant marié, il est crucial que vous vous informiez sur les différents régimes matrimoniaux. De plus, vous devriez réfléchir à la répartition des parts de la société. Enfin, il est important de décider du devenir de la société en cas de divorce. Cet article se propose de vous guider à travers ces points essentiels.
Comment créer une société en étant marié ?
Nous verrons à ce stade, les conditions à remplir puis les démarches à accomplir afin de créer une société en étant marié.
Les conditions à remplir afin de créer un société en étant marié
De prime abord, être marié ne vous empêche pas de créer une société. En effet, tous les couples mariés qui respectent les conditions ont la possibilité de créer une société (Article 1832-1 du code civil).
Les conditions à remplir restent donc les mêmes (les apports, l’affectio societatis qui se traduit par la volonté de s’associer, la volonté de participer aux bénéfices et de contribuer aux pertes), à la seule différence qu’il ne doit pas s’agir d’une société unipersonnelle.
Enfin, notez qu’en fonction du régime matrimonial choisi par les époux, le couple ou le conjoint qui a souscrit peut se voir attribuer la propriété des parts ou actions souscrites. Nous vous détaillerons ce point dans la suite de cet article.
Les démarches à accomplir
La création d’une société nécessite d’accomplir plusieurs formalités administratives. Nous verrons à cet effet, les différentes formalités à accomplir dans l’ordre chronologique.
La rédaction des statuts
La rédaction des statuts est une étape cruciale dans la création d’une société. Les statuts constituent les règles sociales, fiscales et juridiques de l’entreprise. Ils définissent le cadre de fonctionnement de la société et précisent les droits et obligations des actionnaires.
A cet effet, les actionnaires ou associés doivent veiller d’une part à insérer des mentions obligatoires et spécifiques lors de la rédaction des statuts.
D’une part, pour ce qui est des mentions obligatoires, l’article 1835 du Code civil, dispose qu’il est impératif d’insérer les mentions obligatoires suivantes dans les statuts de la société:
- La forme juridique ;
- Les apports de chaque associé ;
- L’objet social ;
- La dénomination sociale ;
- L’adresse du siège social ;
- Le montant du capital social ;
- La durée de vie de la société.
D’autre part, en ce qui concerne les mentions spécifiques, celles-ci diffèrent en fonction de la forme de société choisie par les associées ou actionnaires.
Le dépôt du capital
Selon la forme sociale que vous choisissez, vous devez verser un capital de départ imposé par la loi. Vous pouvez constituer ce capital à partir d’apports en numéraire (argent) ou en nature (biens matériels ou immatériels).
Pour faciliter votre compréhension, nous avons préparé un tableau indiquant le capital minimum requis pour chaque type de société que vous pourriez envisager de créer.
Formes de sociétés | Capital minimum à la création |
SARL/ EURL, SAS/SASU, SCI, SNC. | 1 euro |
SCA (société en commandite par actions) et SA. | 37 000 euros |
SCS (société en commandite simple). | Pas de capital minimum exigé |
La publication d’une annonce légale de création
La publication d’une annonce légale de création est une étape obligatoire dans le processus de création d’une société. Cette annonce a pour but d’informer le public des grandes étapes de la vie d’une société, y compris sa création.
Le dépôt du dossier d’immatriculation sur le Guichet unique
Pour créer une société en étant mariés, les actionnaires ou associés doivent ensuite procéder à l’immatriculation de leur société sur le Guichet unique. Il s’agit d’une formalité administrative qui permet d’officialiser la création de l’entreprise et de lui donner une existence légale.
Il vous faudra créer un compte sur la plateforme, sélectionner la démarche à laquelle vous souhaitez accéder (ici “création de société”) puis compléter le formulaire en ligne avec les informations demandées. Une fois vos justificatifs transmis, vous n’aurez plus qu’à vous acquitter des frais légaux par carte bancaire.
La domiciliation
Enfin, les époux associés doivent procéder à la domiciliation. C’est l’acte par lequel on attribue une adresse administrative officielle à la société au moment de sa création.
Cette domiciliation est obligatoire de sorte qu’en l’absence de celle-ci, il n’est pas possible de procéder à l’immatriculation.
Elle n’est pas nécessairement le lieu ou la société exploite son activité. Par exemple, les actionnaires peuvent domicilier une SA à son domicile, dans un local commercial, ou encore dans une société de domiciliation, tout en exerçant son activité ailleurs.
Quels sont les différents régimes matrimoniaux ?
Il existe 4 différents régimes matrimoniaux dont 3 contractuels et un qui est le régime par défaut. Avant de rentrer dans le fond, il faut d’abord connaître la distinction entre les biens propres et les biens communs.
Les biens propres sont ceux qui appartiennent à chaque époux(ses) indépendamment du régime matrimonial tandis que, les biens communs sont ceux que les époux doivent se partager en vertu du régime matrimonial.
Les différents régimes matrimoniaux | Les particularités |
La communauté des biens réduite aux acquêts | Tous les biens acquis avant le mariage sont des biens propres tandis que les biens acquis après le mariage sont des biens communs. |
La communauté universelles | Les époux se partagent tout |
La séparation des biens | Chaque époux est propriétaire de ce qu’il a acheté avec ses fonds propres. |
La participation aux acquêts | C’est un régime hybride (mi communauté universelle, mi séparation des biens). |
Le régime matrimonial par défaut
Les époux qui n’ont pas rédigé de contrat de mariage sont soumis au régime par défaut.
En France, c’est la communauté réduite aux acquêts qui est le régime par défaut. Selon ce régime, tous les biens que vont obtenir les époux à compter de la célébration du mariage sont en commun à l’exception, des biens acquis par voie de succession, donation ou legs (Article 1405 – Code civil).
En conséquence, lorsqu’on envisage de créer une société en étant marié, il est important de noter que les actions ou parts sociales acquises avec les biens communs appartiennent aux deux époux(ses).
Les régimes matrimoniaux contractuels
Étant donné qu’il s’agit d’un régime contractuel, les époux doivent remplir certaines formalités avant de le choisir.
Dans un premier temps, ils doivent rédiger un contrat avec l’aide d’un professionnel du droit (avocat, notaire ou juriste). Ce contrat doit exprimer clairement leur volonté d’opter pour un régime différent de celui imposé par défaut. Ils ont également la possibilité d’aménager le contrat à leur guise, en suivant les recommandations de leur conseil.
Enfin, les époux doivent signer ce contrat devant un notaire pour des raisons d’authenticité avant la célébration du mariage.
Il existe trois types de contrats de mariage en France. Nous aborderons l’ensemble de ces contrats dans les lignes qui vont suivre.
Le régime de la communauté universelle
Le régime de la communauté universelle est celui où les époux se partagent tous leurs biens. Par conséquent, les actions ou parts sociales acquises pendant le mariage appartiennent au couple.
Le régime de la séparation de biens
Ce régime est le plus simple si vous envisagez de créer une société en étant marié. En effet, dans ce régime, chaque époux détient personnellement les biens qu’il a acquis, par conséquent, les actions acquises par un époux lui appartiennent personnellement.
Le régime de la participation aux acquêts
Le régime de la participation aux acquêts est un régime hybride qui combine les caractéristiques des régimes de séparation de biens et de communauté. Pendant la durée du mariage, chaque époux possède ses propres biens, comme dans le régime de séparation de biens. Cependant, à la dissolution du mariage, les époux procèdent à une répartition des acquêts, c’est-à-dire des biens acquis pendant le mariage, comme dans le régime de communauté.
Ainsi, si un époux acquiert des actions pendant le mariage, ces actions lui appartiennent en propre. Mais à la fin du mariage, les époux partageront la valeur des actions acquises, à moins qu’un contrat de mariage ne stipule le contraire. Ce régime offre une certaine flexibilité et peut être une option intéressante pour les couples qui souhaitent maintenir une certaine indépendance financière pendant leur mariage, tout en bénéficiant d’une répartition équitable des biens à la fin de celui-ci.
Est-ce que mon époux(se) peut revendiquer des parts de la société que j’ai créé pendant le mariage ?
L’époux qui n’est pas le souscripteur peut revendiquer la propriété des parts sociales souscrites par l’autre conjoint. Les modalités de ce droit de revendication varient en fonction du régime matrimonial et de la forme de la société. Faisons le point ici.
Si vous êtes en communauté réduite aux acquêts
Alors, il est nécessaire de distinguer deux scénarios :
Dans le cas des sociétés de personnes (SARL, sociétés civiles, société en nom collectif etc.), l’apport réalisé avec les biens communs fait des époux des associés, chacun pour la moitié des parts acquises. En d’autres termes, les deux époux sont associés conformément à l’article 1832-2 du Code civil.
Dans le cas des sociétés par actions (SA, SAS, etc.), l’origine du financement n’est pas importante. En effet, seul l’apporteur se voit attribuer la propriété des actions. Cela reste vrai même s’il acquiert des parts grâce à des biens communs. Le statut d’associé est donc strictement personnel. Toutefois, les dividendes appartiennent aux deux époux.
Si vous avez opté pour la séparation de biens
En principe, lorsque l’un des époux décide de créer une société, le régime de séparation de biens engendre peu de conflits. Cependant, si l’apport provient de fonds d’un compte joint, on présume que les parts ou actions appartiennent aux deux époux, à moins que l’époux qui fait l’apport ne prouve le contraire.
Lors de la création de votre société, notamment lorsque vous envisagez de créer une société en étant marié, vous avez la possibilité d’être soit un associé majoritaire, un dirigeant social, ou un chef d’entreprise dans le cadre d’une entreprise individuelle. Ces différents statuts ont des impacts sur votre époux(se) qui exerce une activité professionnelle au sein de votre entreprise.
Nous verrons ces effets de façon plus détaillée dans les lignes qui suivent.
Si vous dirigez une entreprise individuelle
Lorsque vous dirigez une entreprise individuelle (EI), votre conjoint a le droit à 2 statuts lorsqu’il/elle travaille activement et de façon régulière dans votre entreprise.
Plusieurs conditions et restrictions s’appliquent pour bénéficier de ces statuts. Nous allons vous détailler l’ensemble de ces points dans le tableau ci-dessous.
Statuts | Conjoint collaborateur | Conjoint salarié |
Conditions | Etre marié, pacsé ou en concubinage
Ne pas être rémunéré |
Etre marié, pacsé ou en concubinage
Avoir signé un contrat de travail (CDD ou CDI) Percevoir au moins 1766,92€ brut par mois en guise de salaire Ne pas avoir de responsabilité, ni de pouvoir dans la gestion quotidienne de l’entreprise |
Restrictions | Aucune | N’est pas possible s’il s’agit d’une micro-entreprise. |
Si vous dirigez une société
Lorsque vous dirigez une société, votre conjoint a le droit à 3 statuts lorsqu’il/elle travaille activement et de façon régulière au sein de votre société.
Les conditions et restrictions, que nous allons détailler dans le tableau ci-dessous, s’appliquent pour bénéficier de ces statuts :
Statuts | Conjoint collaborateur | Conjoint salarié | Conjoint associé |
Conditions | Etre marié, pacsé ou en concubinage
Ne pas être rémunéré Ne pas être associé ou actionnaire |
Etre marié, pacsé ou en concubinage
Avoir signé un contrat de travail (CDD ou CDI) Percevoir au moins 1766,92€ brut par mois en guise de salaire Ne pas avoir de responsabilité, ni de pouvoir dans la gestion quotidienne de l’entreprise |
Etre marié, pacsé ou en concubinage
Ne pas être rémunéré Détenir des parts sociales ou des actions Responsabilité limité à l’apport Avoir un droit de vote aux assemblées générales |
Restrictions | Le chef d’entreprise doit être gérant associé majoritaire d’une SARL
ou d’une SELARL. |
Le chef d’entreprise doit avoir l’un des statuts suivants :
Dirigeant de société ou gérant associé majoritaire d’une SARL |
N’est possible que dans les :
SARL, SELARL, SAS ou SNC. |
L’ensemble de la réglementation en la matière est régie aux articles L121-4 à L121-8 du code de commerce.
Qu’advient-il de la société en cas de divorce ?
Lors du divorce, les époux répartissent le patrimoine du couple en fonction du régime matrimonial. Lorsque les parts sociales sont acquises avec des biens communs, le risque de partage de la société entre les époux augmente. Nous allons donc faire le point sur les modalités de ce partage et les actions à mettre en place en amont afin d’éviter de partager la société créée pendant le mariage.
Si le couple avait opté pour la séparation des biens
En principe, chaque époux possède ses propres biens. Cependant, si un époux a acquis des parts sociales avec des biens présumés communs (par exemple, une acquisition effectuée via un compte joint), on présume que ces parts appartiennent au couple jusqu’à ce que l’époux qui a apporté l’argent démontre qu’elles lui appartiennent.
Comment se passe le partage de la communauté incluant une société acquise avec des biens communs ?
Au moment du divorce, les époux répartissent les parts sociales ou actions acquises avec les biens communs entre eux. Concrètement, ils évaluent la société à la date du divorce et partagent la valeur obtenue. Cela signifie que chaque époux recevra une part proportionnelle à sa contribution dans l’acquisition des biens communs.
De plus, dans une société de personnes (SNC, SARL …), si un époux utilise des biens communs pour acquérir des parts sociales, l’autre époux a le droit de revendiquer la moitié de ces parts. Cela signifie qu’il peut devenir associé pour la moitié des parts acquises.
Pour exercer ce droit, l’époux doit informer la société de son intention de devenir associé. Si cette notification est faite au moment de l’acquisition des parts, l’approbation des autres associés vaut pour les deux époux. En revanche, si cette notification est faite après l’acquisition, l’époux doit obtenir l’approbation des autres associés selon les conditions prévues par les statuts de la société.
Comment vous prémunir contre le partage de votre société avec votre époux(se) ?
La première solution pourrait être de stipuler dans les statuts, qui doivent être signés par les deux conjoints, que le conjoint qui n’était pas initialement associé renonce à ses droits de devenir associé en cas de divorce. Cependant, cela ne lui retire pas sa part de la valorisation de la société (on parle alors de clause de non-réclamation à devenir associé en cas de divorce).
Dans cette situation, le conjoint ne devient donc pas associé. Cependant, on lui attribue un ou plusieurs biens dont la valeur correspond à 50 % de la valeur de la société.
Une autre solution serait de changer de régime matrimonial afin d’opter un régime permettant un peu plus d’autonomie. Cela peut se faire après 2 ans de mariage.
FAQ
Qui gère la société créée avec les biens du mariage ?
C'est l'époux qui a acquis les parts sociales est généralement celui qui gère la société. Cependant, pour les actes qui ont un impact significatif sur la communauté, comme la contraction d'un emprunt pour la société, l'accord de l'autre époux est nécessaire. Cela assure une protection mutuelle et une prise de décision équilibrée au sein du couple.
Qui est le propriétaire des parts sociales acquises avec les biens du mariage ?
Dans les sociétés de personnes, comme la SNC ou la SARL, si un époux acquiert des parts avec les biens communs, l’autre époux a le droit de revendiquer la moitié de ces parts. Ainsi, les deux époux deviennent associés, chacun possédant la moitié des parts acquises. En revanche, dans les sociétés par actions, comme la SA ou la SAS, l’époux qui acquiert les parts avec les biens communs est le seul propriétaire des parts. L’autre époux ne devient pas associé, mais il a droit à la moitié des bénéfices (ou “fruits”) générés par ces actions.
Mon époux en communauté de biens peut-il toucher les dividendes versés pendant la procédure de divorce ?
Oui, dans une communauté de biens, votre époux a le droit de toucher les dividendes versés pendant la procédure de divorce, sauf si, le partage des biens est reporté à une date ultérieure au prononcé du divorce ou si le bénéfice est mis en réserve.
Dernière mise à jour le 10/09/2024